Welcome to the experience economy - 2024 remastered

Introduction — Une économie d’expérience

La semaine dernière, je déjeunais avec un ami dans un café vide de la capitale olympique et nous nous disions que le produit était souvent sacrifié sur l’autel de l’expérience. Voici un peu de contexte.

 

En 1998, Pine et Gilmore dans un article fondateur décrivaient le shift de notre économie vers une économie de l’expérience. 

 

Dans cet article, le message est clair, pour l’emporter face à la concurrence il s’agit de proposer une véritable expérience au clients. La matière première, le produit fini, le service autour, tout cela mis au service de l’expérience, driver ultime du succès de la marque.

Depuis 20 ans, nous parlons tous d’expérience :

expérience utilisateur, expérience de livraison, expérience produit, expérience client… Mais souvent l’expérience semble effacer les strates fondamentales :

  • Les matières viennent du bout du monde, 
  • Les produits sont de piètre qualité,  et produits dans des conditions pas toujours hyper RSE
  • Le service est top avant la vente puis après vente tout s’effondre

Est-ce un constat amère de deux réacs qui disent que c’était mieux avant ou un véritable constat? L’attention portée au produit est-elle moins forte qu’auparavant? La CX est-elle à opposer à la PX (Product Xperience)? Ce sont les questions que nous nous poserons dans ce billet, toujours avec un oeil digital bien sûr.

Repérer la qualité au sein d’un e-commerce - Jouons ensemble Part 1

Tout d’abord, commençons par une petite question : Quel est le produit le plus qualitatif ?

Laissez-moi donc vous surprendre. 

  • 1 : Les Premiers verres sont des verres La Rochère à 23€ les 4, ce sont des verres à shooter de 6 cl. 
  • 2 : Au milieu, ce sont des verres à eau Baccarat de 36cl en cristal à 1000€ 
  • 3 : En bas c’est un pack de 6 verres de 32cl en cristal vendus à 139€ les 6

Ceux qui ont classé les produits dans le bon ordre ont soit beaucoup de chance, soit un œil très averti et une culture des arts de la table hors norme. Comme diraient les Youtubers : “laissez votre classement en commentaire” 🙂

 

En magasin, auriez vous vu la différence ? personnellement je pense que oui. Avec le site et son contexte, potentiellement…

Le poids de la marque — Jouons ensemble Part 2

Quelle leçon tirer de ce constat? Qu’une belle photo suffit à vendre un produit sur internet? Et bien non. Mais plutôt qu’un long discours, un second jeu :

Combien vaut ce t-shirt en coton du Portugal?

Oui, la modique somme de 750€

 

Passons au-delà de mon avis subjectif sur les goûts et les couleurs et du pouvoir d’achat indéfectible de ceux qui ont atteint le 6e étage de la pyramide de Maslow (aie, je ne vais pas me faire que des amis :s), à première vue le produit n’est pas le facteur clé de succès n°1 d’une marque sur le digital.

Le premier driver de succès est la désirabilité.

Apposer Balanciaga en gros sur un t-shirt blanc peut suffire pour une certaine frange de la population à justifier un prix exorbitant. C’est la force de la marque qui fait son œuvre (fugace parfois).

 

D’autre misent sur

  • un marketing du produit et de sa confection — c’est le cas d’Asphalte
  • l’usage — comme Decathlon
  • un prix bas — Shein, Temu et autres jolies maisons
  • le service — Amazon en est le parfait exemple

Mais comment créer cette désirabilité sur le digital lorsqu’on lance son business, qu’on le relance ou tout simplement lorsqu’on souhaite le réinventer?

Le prix n’est pas un vecteur de désirabilité pérenne

Première chose, sortir de la promotion permanente, elle va tuer la désirabilité plus rapidement qu’un slip kangourou dans un jeune couple. Vous allez vous enfermer dans un cycle infernal, on serre les fesses entre les soldes et le Black Friday (en oubliant au passage qu’à une époque on vendait pleine marge à cette même période pour les achats de Noël).

 

Si vous créez votre marque en ce moment, ne mettez pas le doigt dedans, si vous êtes déjà dans une logique promotionnelle forte voici 2 stratégies pour en sortir :

  • La première est douloureuse et nécessite d’avoir les reins très solides financièrement : vous arrachez le sparadrap. Autant vous dire que la chute de la top line est vertigineuse, vos campagnes d’acquisition ne performant plus (votre ROAS baisse mais votre ROI?), la clientèle promophile que vous avez embasé ne convertit plus car elle a été habituée à acheter à -30%. Ceci est valable pour les magasins comme pour le e-commerce. Seules des enseignes ou des marques désirables, solides et avec une politique promotionnelle maitrisée (comme IKEA peuvent se permettre un tel risque)
  • La seconde est plus longue mais moins impactante pour les ventes. Il s’agit de sortir progressivement de la promo, le temps de construire d’autres leviers de désirabilité. Parmi eux, l’expérience produit et l’expérience client.

Le post du 26.08.24 de Regis Pennel , CEO de l’Exception en dit long sur l’étau dans lequel sont coincés de nombreux e-commerces multi-marques malgré de beaux assets (2M de VU par mois) :

“Le business model multimarques de mode est arrivé à la fin d’une époque pour plusieurs raisons :

 

– les marques depuis le Covid ont boosté leur site internet et investissent désormais en marketing digital. Leur offre en ligne rentre en compétition directe avec les revendeurs multimarques et certaines vont même choisir de couper la distribution quand leur business se développe, entraînant des baisses de chiffre d’affaires significatives.

 

– la marge se réduit comme peau de chagrin par la multiplication des promotions et notamment le Black Friday qui a tué le business fullprice de Noël.

 

– les coûts ont explosé avec l’inflation (frais de transport, salaires, coûts d’acquisition) alors que la marge se réduit..”

Christopher Guérin — Convaincre les actionnaires

Que vous soyez à la tête d’une marque ou d’un réseau, il vous faut arrêter la course à la top line par la promo. Je vous entends déjà : “Va expliquer ça à mes actionnaires”. Je ne vais pas le faire moi même et je vais vous laisser regarder la magnifique conférence de Christopher Guérin PDG de Nexans depuis 2018 (CAC40). Il explique comment il est sortit de la course à la Top Line. En 4 ans, le groupe a multiplié sa rentabilité par 2 avec le modèle 3E.

 

Il est donc possible de contenter les actionnaires car après tout, les dividendes dépendent principalement de la bottom line. Reconcentrons nous désormais sur la désirabilité.

Créer la désirabilité — bibidi babidi boo

D’un côté, il y a l’expérience client, c’est le fait de s’attacher à ce que les clients vivent une expérience mémorable et/ou satisfaisante quel que soit leur point de contact avec la marque.

 

De l’autre côté, il y a l’expérience produit, c’est-à-dire s’attacher au fait que tout le cycle de vie du produit, de sa conception à sa seconde vie soit cohérent et répondent aux attentes de qualité, de prix ou RSE de la cible.

SWATCH a créé des produits désirables grâce à des collabs avec d’autres horlogers du groupe (OMEGA et Blancpain notamment)

Ces deux écoles sont-elles à opposer? sûrement pas, mieux, lorsqu’on les mélange cela fait des miracles, je pense notamment à la marque Asphalte (nous y reviendrons plus tard).

Convertir le trafic — Google a dit :

Cette récente étude de Juillet 2024 Google Ipsos semble mettre en avant un besoin des consommateurs de passer outre l’expérience au sens initial décrit par Pine et Gilmore pour revenir aux fondamentaux de la sélection produit. Voici quelques chiffres révélés par l’étude :

Les consommatrices et consommateurs déclarent qu’un contenu pertinent correspondant à leurs intérêts et à leurs besoins est plus important qu’un contenu qui leur est adressé uniquement sur la base de leurs informations personnelles.

Pine & Gilmore Vs. Google

Ce que disent les consommateurs interrogés par Google c’est qu’une expérience d’achat satisfaisante passe avant tout par la clarté de l’information produit, souvent trop déçus par une expérience riche menant à un achat décevant. En quelque sorte, l’expérience n’est plus l’étape ultime mais plutôt un ingrédients au même titre que les autres. J’irai même plus loin en disant que le “guest” redevient “user” au moment de l’achat sur internet. La désirabilité l’a amené sur une fiche produit, pour obtenir un ajout au panier il faudra être transparent et rassurant quant à la qualité du produit.

Alors pourquoi Shein et TEMU cartonnent autant?

La fiche produit de Shein.com semble démontrer le contraire si on la regarde attentivement :

  • pas de détail sur le produit (ne cherchez pas les infos produit, il n’y en a pas…)
  • des habit portés comme on les présentait il y a plusieurs années
  • un catalogue énorme où l’on se perd
  • des filtres pas forcément optimisés

Seuls les avis proposent des détails (particulièrement mélioratifs d’ailleurs ce qui semble surprenant de prime abord)

L’expérience produit de Shein c’est un produit acheté à prix imbattable pour une clientèle peu exigeante quant à la qualité du produit (ou son impact sur l’environnement) et qui l’utilisera probablement une seule fois (voire deux si l’étape de la machine à laver le permet).

 

Leur expérience produit est donc excellente :

  • Leurs seuls arguments sont le prix et le choix, pourquoi mettre en avant autre chose
  • Leur clientèle vient pour le prix et le choix, toute autre info est une pollution … #humourcaustique
  • La décision est simplifiée et c’est ce que demandent 73% des utilisateurs d’après l’étude Google.

On peut réussir autrement - Asphalte

Prenons l’exemple d’Asphalte qui est le parfait exemple d’une expérience produit au service de l’expérience client.

1. Ils choisissent leur cible

Très visible en social ads, asphalte cible son audience pour targeter principalement une cible premium, soucieuse de la qualité et de l’environnement.

 

Le modèle de la marque étant basé sur la précommande, la cible n’est donc pas du genre à acheter de manière impulsive et urgente, elle prépare son achat et elle est donc soucieuse de la qualité du produit et de son impact environnemental (par extension)

 

La cible cherche à acheter moins, elle n’est pas adepte de la fast fashion et prête une attention secondaire au prix.

 

Cette cible est donc une clientèle à privilégier pour une marque de prêt à porter.

2. L’histoire est belle.

“Nous chez Asphalte on sait que c’est compliqué de trouver un bon jean… et c’est encore plus compliqué de le produire…”

Tout est dit, le storytelling de la marque est posé : “Nous nous cassons la tête pour que vous trouviez, sans chercher des plombes, des habits qui dureront dans le temps”

 

Le ton est décontracté mais on emploie un vocabulaire expert. Le client donne donc confiance à un bon copain qui vient de lancer une marque quali.

3. Le contenu est là

Des campagnes social au placard en passant par la fiche produit, Asphalte nous abreuve de contenu utile :

  • Vidéo découverte pour acquérir / rassurer
  • Texte et images sur la fiche produit pour convaincre et donner des infos écrites
  • Asilage dans le colis pour donner des conseils d’entretien et des informations pour retourner les produits.
Toutes les infos sont là au bon moment.

Une expérience produit et une expérience de marque fusionnées :

Avec cette expérience de marque tournée autour du produit et du storytelling la marque asphalte réussit la ou d’autres s’effondrent en e-commerce.

 

Tout ceci est lié au fait que la marque soit product centric by design et qu’elle ait un storytelling et des valeurs puissantes.

 

Ne l’oublions pas, une expérience de marque, ce n’est pas un logo. Ce post d’Eric Partaker le matérialise bien :

Nous prenions l’exemple de Balenciaga, initialement la marque est un symbole de transgression des codes et de disruption, notamment avec des looks over-size très reconnaissables. Ce sont ces valeurs que les clients achètent 750€ quand ils achètent un t-shirt.

 

Balenciaga, dans l’esprit de leurs clients, c’est ça :

Le client core se reconnaît-il dans un t-shirt “vache à lait” et dans celui qui le porte ?

 

On en revient au lien entre expérience produit et expérience de marque.

 

S’assurer que l’expérience proposée et l’expérience vécue par le client soit ISO, c’est là qu’entre en jeu la customer experience.

Asphalte : Une Customer experience cohérente.

Pas de doute, les clients Asphalte semblent vivre une expérience cohérente :

Le client vit une expérience cohérente de bout en bout et cela se traduit dans les avis spontanés.

 

L’expérience Balenciaga ne semble pas aussi réussie

Restons tout de même prudents, les avis Trustpilot sont souvent très négatifs et rares sont les marques qui dépassent 2,5 sur Trustpilot. Ne retenons qu’une chose : L’excellence d’Asphalte.

Un équilibre fragile

  • Une expérience produit léchée
  • Une expérience client cohérente
  • Une expérience de marque réussie

A priori, selon Gilmore and Pine tout devrait rouler pour vous. Sauf qu’un nouvel élément rentre désormais dans la balance :

Le CEO

De nombreuses relations ont renoncé à acheter à une Tesla parce qu’ils ne peuvent pas encadrer Elon Musk

 

Balenciaga a rencontré des difficultés non pas à cause d’un mauvais produit ou d’un mauvais SAV mais bien à cause d’un scandale de communication et d’une mauvaise gestion de crise du CEO.

 

Mais l’effet inverse est aussi possible et dans ce domaine c’est le concurrent d’Asphalte qui excelle en la personne de Julia Faure CEO de Loom

 

Je vous invite à regarder cette conférence Ted

Je pense que les clients de Loom se retrouvent bien dans ce discours (Même si le modèle 3E de Christopher Guérin CEO de Nexans me convient mieux :

Pour une expérience de marque réussie : Investissez sur le PXM et la CX

A moins que les PDG de Shein ou TEMU en personne lisent cet article, ce dont je doute (mais sait-on jamais), vous ne pouvez pas vous battre contre eux donc abandonnez l’idée de créer une expérience basée uniquement sur le prix et sur le choix, le combat est perdu d’avance. Comme nous l’avons vu, vous devez vendre pleine marge pour pouvoir financer votre marketing produit, le storytelling et la data qui montreront que vous êtes à des années lumière de Shein ou Temu.

Retenez donc de cet article :

Loïc Lejal