La semaine dernière, je déjeunais avec un ami dans un café vide de la capitale olympique et nous nous disions que le produit était souvent sacrifié sur l’autel de l’expérience. Voici un peu de contexte.
En 1998, Pine et Gilmore dans un article fondateur décrivaient le shift de notre économie vers une économie de l’expérience.
Dans cet article, le message est clair, pour l’emporter face à la concurrence il s’agit de proposer une véritable expérience au clients. La matière première, le produit fini, le service autour, tout cela mis au service de l’expérience, driver ultime du succès de la marque.
Depuis 20 ans, nous parlons tous d’expérience :
expérience utilisateur, expérience de livraison, expérience produit, expérience client… Mais souvent l’expérience semble effacer les strates fondamentales :
Est-ce un constat amère de deux réacs qui disent que c’était mieux avant ou un véritable constat? L’attention portée au produit est-elle moins forte qu’auparavant? La CX est-elle à opposer à la PX (Product Xperience)? Ce sont les questions que nous nous poserons dans ce billet, toujours avec un oeil digital bien sûr.
Tout d’abord, commençons par une petite question : Quel est le produit le plus qualitatif ?
Laissez-moi donc vous surprendre.
Ceux qui ont classé les produits dans le bon ordre ont soit beaucoup de chance, soit un œil très averti et une culture des arts de la table hors norme. Comme diraient les Youtubers : “laissez votre classement en commentaire” 🙂
En magasin, auriez vous vu la différence ? personnellement je pense que oui. Avec le site et son contexte, potentiellement…
Combien vaut ce t-shirt en coton du Portugal?
Oui, la modique somme de 750€
Passons au-delà de mon avis subjectif sur les goûts et les couleurs et du pouvoir d’achat indéfectible de ceux qui ont atteint le 6e étage de la pyramide de Maslow (aie, je ne vais pas me faire que des amis :s), à première vue le produit n’est pas le facteur clé de succès n°1 d’une marque sur le digital.
Apposer Balanciaga en gros sur un t-shirt blanc peut suffire pour une certaine frange de la population à justifier un prix exorbitant. C’est la force de la marque qui fait son œuvre (fugace parfois).
D’autre misent sur
Mais comment créer cette désirabilité sur le digital lorsqu’on lance son business, qu’on le relance ou tout simplement lorsqu’on souhaite le réinventer?
Première chose, sortir de la promotion permanente, elle va tuer la désirabilité plus rapidement qu’un slip kangourou dans un jeune couple. Vous allez vous enfermer dans un cycle infernal, on serre les fesses entre les soldes et le Black Friday (en oubliant au passage qu’à une époque on vendait pleine marge à cette même période pour les achats de Noël).
Si vous créez votre marque en ce moment, ne mettez pas le doigt dedans, si vous êtes déjà dans une logique promotionnelle forte voici 2 stratégies pour en sortir :
Le post du 26.08.24 de Regis Pennel , CEO de l’Exception en dit long sur l’étau dans lequel sont coincés de nombreux e-commerces multi-marques malgré de beaux assets (2M de VU par mois) :
“Le business model multimarques de mode est arrivé à la fin d’une époque pour plusieurs raisons :
– les marques depuis le Covid ont boosté leur site internet et investissent désormais en marketing digital. Leur offre en ligne rentre en compétition directe avec les revendeurs multimarques et certaines vont même choisir de couper la distribution quand leur business se développe, entraînant des baisses de chiffre d’affaires significatives.
– la marge se réduit comme peau de chagrin par la multiplication des promotions et notamment le Black Friday qui a tué le business fullprice de Noël.
– les coûts ont explosé avec l’inflation (frais de transport, salaires, coûts d’acquisition) alors que la marge se réduit..”
Que vous soyez à la tête d’une marque ou d’un réseau, il vous faut arrêter la course à la top line par la promo. Je vous entends déjà : “Va expliquer ça à mes actionnaires”. Je ne vais pas le faire moi même et je vais vous laisser regarder la magnifique conférence de Christopher Guérin PDG de Nexans depuis 2018 (CAC40). Il explique comment il est sortit de la course à la Top Line. En 4 ans, le groupe a multiplié sa rentabilité par 2 avec le modèle 3E.
Il est donc possible de contenter les actionnaires car après tout, les dividendes dépendent principalement de la bottom line. Reconcentrons nous désormais sur la désirabilité.
D’un côté, il y a l’expérience client, c’est le fait de s’attacher à ce que les clients vivent une expérience mémorable et/ou satisfaisante quel que soit leur point de contact avec la marque.
De l’autre côté, il y a l’expérience produit, c’est-à-dire s’attacher au fait que tout le cycle de vie du produit, de sa conception à sa seconde vie soit cohérent et répondent aux attentes de qualité, de prix ou RSE de la cible.
SWATCH a créé des produits désirables grâce à des collabs avec d’autres horlogers du groupe (OMEGA et Blancpain notamment)
Cette récente étude de Juillet 2024 Google Ipsos semble mettre en avant un besoin des consommateurs de passer outre l’expérience au sens initial décrit par Pine et Gilmore pour revenir aux fondamentaux de la sélection produit. Voici quelques chiffres révélés par l’étude :
Les consommatrices et consommateurs déclarent qu’un contenu pertinent correspondant à leurs intérêts et à leurs besoins est plus important qu’un contenu qui leur est adressé uniquement sur la base de leurs informations personnelles.
La fiche produit de Shein.com semble démontrer le contraire si on la regarde attentivement :
Seuls les avis proposent des détails (particulièrement mélioratifs d’ailleurs ce qui semble surprenant de prime abord)
L’expérience produit de Shein c’est un produit acheté à prix imbattable pour une clientèle peu exigeante quant à la qualité du produit (ou son impact sur l’environnement) et qui l’utilisera probablement une seule fois (voire deux si l’étape de la machine à laver le permet).
Leur expérience produit est donc excellente :
Très visible en social ads, asphalte cible son audience pour targeter principalement une cible premium, soucieuse de la qualité et de l’environnement.
Le modèle de la marque étant basé sur la précommande, la cible n’est donc pas du genre à acheter de manière impulsive et urgente, elle prépare son achat et elle est donc soucieuse de la qualité du produit et de son impact environnemental (par extension)
La cible cherche à acheter moins, elle n’est pas adepte de la fast fashion et prête une attention secondaire au prix.
Cette cible est donc une clientèle à privilégier pour une marque de prêt à porter.
“Nous chez Asphalte on sait que c’est compliqué de trouver un bon jean… et c’est encore plus compliqué de le produire…”
Tout est dit, le storytelling de la marque est posé : “Nous nous cassons la tête pour que vous trouviez, sans chercher des plombes, des habits qui dureront dans le temps”
Le ton est décontracté mais on emploie un vocabulaire expert. Le client donne donc confiance à un bon copain qui vient de lancer une marque quali.
Des campagnes social au placard en passant par la fiche produit, Asphalte nous abreuve de contenu utile :
Avec cette expérience de marque tournée autour du produit et du storytelling la marque asphalte réussit la ou d’autres s’effondrent en e-commerce.
Tout ceci est lié au fait que la marque soit product centric by design et qu’elle ait un storytelling et des valeurs puissantes.
Ne l’oublions pas, une expérience de marque, ce n’est pas un logo. Ce post d’Eric Partaker le matérialise bien :
Nous prenions l’exemple de Balenciaga, initialement la marque est un symbole de transgression des codes et de disruption, notamment avec des looks over-size très reconnaissables. Ce sont ces valeurs que les clients achètent 750€ quand ils achètent un t-shirt.
Balenciaga, dans l’esprit de leurs clients, c’est ça :
Le client core se reconnaît-il dans un t-shirt “vache à lait” et dans celui qui le porte ?
On en revient au lien entre expérience produit et expérience de marque.
S’assurer que l’expérience proposée et l’expérience vécue par le client soit ISO, c’est là qu’entre en jeu la customer experience.
Pas de doute, les clients Asphalte semblent vivre une expérience cohérente :
Le client vit une expérience cohérente de bout en bout et cela se traduit dans les avis spontanés.
L’expérience Balenciaga ne semble pas aussi réussie
Restons tout de même prudents, les avis Trustpilot sont souvent très négatifs et rares sont les marques qui dépassent 2,5 sur Trustpilot. Ne retenons qu’une chose : L’excellence d’Asphalte.
A priori, selon Gilmore and Pine tout devrait rouler pour vous. Sauf qu’un nouvel élément rentre désormais dans la balance :
De nombreuses relations ont renoncé à acheter à une Tesla parce qu’ils ne peuvent pas encadrer Elon Musk
Balenciaga a rencontré des difficultés non pas à cause d’un mauvais produit ou d’un mauvais SAV mais bien à cause d’un scandale de communication et d’une mauvaise gestion de crise du CEO.
Mais l’effet inverse est aussi possible et dans ce domaine c’est le concurrent d’Asphalte qui excelle en la personne de Julia Faure CEO de Loom
Je vous invite à regarder cette conférence Ted
Je pense que les clients de Loom se retrouvent bien dans ce discours (Même si le modèle 3E de Christopher Guérin CEO de Nexans me convient mieux :
A moins que les PDG de Shein ou TEMU en personne lisent cet article, ce dont je doute (mais sait-on jamais), vous ne pouvez pas vous battre contre eux donc abandonnez l’idée de créer une expérience basée uniquement sur le prix et sur le choix, le combat est perdu d’avance. Comme nous l’avons vu, vous devez vendre pleine marge pour pouvoir financer votre marketing produit, le storytelling et la data qui montreront que vous êtes à des années lumière de Shein ou Temu.
Retenez donc de cet article :